Cela se passe il y a bien longtemps...
Nous sommes dans la plaine, chaque jour, les hommes de la horde passent leur temps à chasser, à chercher de quoi manger.
Ils ne connaissent rien de ce qui les entoure.

Un jour, sur son parcours, un homme baissant les yeux aperçoit une forme à ses pieds qui attire son regard.
Il regarde de plus près, il regarde encore...


C'est une pierre, une pierre ronde polie par les eaux depuis des siècles.
Pour la première fois, l'homme regarde le monde dans lequel il vit.
Il fait la découverte de la pierre.


L'homme est émerveillé par ce qu'il vient de découvrir. Intrigué, il se baisse, ramasse l'une des pierres, il l'observe, la tourne et la retourne en tous sens, il ne sait pas ce que c'est ni à quoi cela peut servir.
Puis il retourne à ses occupations.
Alors qu'il s'amuse, ses yeux tombent encore sur des cailloux. Il en ramasse un et, au même instant entend un sifflement très proche, c'est un serpent. Par peur, instinctivement, il lance le caillou qui atteint le reptile.
Il comprend alors qu'il peut tuer avec la pierre.
Il vient de découvrir la première arme.

A partir de ce moment, il recherche les pierres les plus pratiques pour l'usage qu'il veut en faire.
Il en ramasse plusieurs, les prend dans ses mains, les caresse. Il sent alors, leur rondeur, leur douceur, il éprouve les premières sensations, le premier sentiment envers cette matière. Désormais, il sélectionne ses trouvailles, d'après cette douceur, d'après la couleur, choisit en fonction de la dureté et en fonction de la forme la mieux adaptée...

Puis, il veut la personnifier, lui donner une forme précise, la rendre pratique. Il l'use, la retaille pour en faire une hache. Il frappe des galets l'un contre l'autre jusqu'à ce qu'un côté devienne tranchant.
Et l'évolution se fait ainsi, en frappant.

Un jour, alors qu'il casse des galets, l'un d'eux éclate. C'est un silex.
Il se blesse avec un éclat, l'idée lui vint alors d'en faire des pointes, des flèches pour chasser, des lames pour découper la chair du gibier.
Il travaille donc la pierre par des chocs successifs.
C'est l'âge de la pierre taillée.

En tapant des pierres dans la pénombre de la grotte, il voit jaillir de la lumière, des étincelles, c'est beau !
Il s'amuse, il recommence encore, et encore, et encore....
Là, soudain, sur le sol jonché d'herbes sèches, une flamme jaillit, c'est l'apparition du Feu !

Émerveillé par la beauté de sa découverte, il réalise qu'il peut faire du feu, qu'il peut se chauffer à la flamme.
Bientôt, il décide de polir lui-même ses pierres, pour leur beauté, c'est la première forme d'art.
C'est l'âge de la pierre polie.

L'homme associe le beau à l'utile
A force d'être polie, la pierre se creuse. L'idée lui vint alors de s'en servir comme récipient.
D'abord comme lampe à graisse avec le feu qu'il sait fabriquer, puis comme vase ou comme écuelle, il peut ainsi conserver l'eau et les aliments.
Toujours curieux et observateur, il ramasse la poussière des pierres, cette boue épaisse prend la forme de ses doigts.
C'est alors qu'il entreprend de modeler la glaise.
Les poteries sont nées du travail de la pierre !

C'est ainsi que, par la répétition de gestes simples, des milliers de fois, l'homme découvre tout un monde apte à lui rendre service et fait progresser son intelligence.
Il comprend l'intérêt des formes qui l'entourent et cet intérêt succède à l'amusement primitif.
C'est la vraie poésie, l'émerveillement et la vérité de l'homme qui découvre, qui aime, qui prend conscience.

La conscience de ce que l'œil voit.

La taille du silex par l'homme a été considérée comme la première manifestation d'intelligence le distinguant de l'animal.
Mais l'est-elle davantage que la toile d'araignée, le nid des oiseaux, la brindille jetée sur le cours d'eau permettant à la fourmi de franchir l'obstacle sans se noyer ?
Bien souvent, les créations des animaux dans la nature, nous paraissent plus élaborées, plus ingénieuses, plus belles que les pierres taillées, les harpons, les fléchettes.
La ruche des abeilles composée de milliers d'alvéoles, est en elle-même une perfection atteinte dans les formes et l'application de la meilleure résistance physique.
Pourtant, on ne parle pas d'intelligence pour de telles réalisations !
Pourquoi met-on systématiquement l'humain au dessus de tout ?

Le silex fait partie de l'évolution de l'homme, il matérialise son désir de survie, son adaptation.
Les observations, les expériences, les traumatismes successifs lui ont permis de se rendre compte qu'il pouvait utiliser la pierre, la travailler et s'en servir pour chasser.

Le pouce de sa main opposable aux autres doigts lui a permis de manier les objets avec une adresse jamais atteinte jusque là.
Il est certain que si le singe avait eu la même aptitude manuelle, il taillerait lui aussi le silex.
Il sait parfaitement utiliser des cailloux pour casser les noix et lorsqu'il est mécontent, il sait aussi s'en servir de projectiles.
On peut donc se poser une vraie question :
A quel moment et pourquoi l'homme s'est-il différencié de tout le règne animal ?
A l'évidence, sa nouvelle capacité cérébrale se révèle à l'époque où il a peint et gravé sur les parois des grottes où il a ciselé de magnifiques portraits animaliers sur des objets en os...
Pour réaliser ces reproductions, il fallait une étude très précise du modèle, ressentir un attrait particulier pour celui-ci, avoir le désir de regarder attentivement autour de soi, avec intérêt, avec Amour....
A ce moment, l'homme s'est révélé le seul être capable d'observer et de comprendre ce qui l'entoure ?
Il essaie de définir l'oiseau ? il s'intéresse à ses mouvements de vol, à son plumage, à ses couleurs, il prend le temps de l'écouter chanter...
Au stade animal il ne connaissait que le cri de celui qu'il voulait manger !

L'animal regarde, mais il ne voit pas ce qui est autour de lui, il ne prend pas conscience de ce qui l'entoure.
Une feuille tombe de l'arbre, elle va attirer l'attention du chat.. il bondit, l'attrape, s'amuse... mais il n'a pas réalisé qu'elle s'est détachée d'une branche et que son tourbillon est l'œuvre du vent.
Il l'a vu, parce qu'elle bougeait, de la même façon il remarquera un papillon, une mouche, un reptile. Il n'a pas vu le gros tronc de l'arbre, il n'y fait pas attention car il est immobile, il n'attache de l'importance qu'à ce qui éveille son instinct de survie et son sens du jeu.

L'intelligence, est au départ la découverte avec la compréhension de tout ce qui nous entoure.

Aux temps plus reculés de la préhistoire, l'homme était l'animal le plus démuni de la Terre, s'il avait eu la force du lion, l'agilité du singe, la taille de l'éléphant, sans doute n'aurait-il jamais taillé de pierres...